Après avoir assisté à une conférence sur la pêche durable, j’ai voulu moi-même exposer mon opinion. Dès le début de cette conférence, il était affirmé que la pêche durable était impossible, et la seule solution présentée était d’arrêter toute consommation de poisson. Sans aucun doute, la question de la pêche est aujourd’hui primordiale et devient de plus en plus préoccupante. Malheureusement, en tant que citoyen lambda, nous ne réalisons souvent pas ce qui se cache derrière la tranche de délicieux poisson qui se trouve dans notre assiette, ou ce qu’a vécu ce bon saumon avant de finir en terrine. J’en étais moi-même inconsciente jusqu’à depuis peu. Des raisons purement économiques ont engendré des pratiques démesurées par rapport aux besoins du consommateur. A ce sujet, les opinions divergent et se heurtent, et l’on trouve d’un côté les pro végétarisme qui encouragent à l’arrêt drastique de consommation de poisson estimant que la pêche durable est impossible. Les intermédiaires qui promeuvent une consommation réduite s’associant à une pêche durable. Et enfin ceux, notamment certaines personnes affiliées à la pêche industrielle qui soit estiment idylliquement, soit mettent en avant l’idée pour se décharger de toutes accusations, que les fonds marins constituent une ressource inépuisable qui se régénère indéfiniment.
Après avoir défini les pratiques de pêche industrielle responsables de la destruction de l’environnement piscicole, je vais tenter de présenter des solutions pouvant, de mon point de vue, aboutir à une pêche durable.
1. La préservation des espèces, un contentieux majeur : des techniques de pêche à réviser
De manière incongrue, plus les fonds marins se dépeuplent, plus les techniques de pêche se radicalisent alors qu’elles devraient s’adoucir pour se conformer aux fluctuations de la population d’animaux marins. La surconsommation a mené à des pratiques irrespectueuses de l’environnement, autant de la faune que de la flore sous-marine, et laissent des cicatrices définitives et souvent irréversibles sur l’équilibre sous-marin.
Le chalutage de fond et les rejets de poissons
Parmi ces pratiques, nous trouvons en premier le chalutage de fond, utilisé pour la pêche au large et pour le fait qu’il permette une capture de diverses espèces. Le chalutage vise les espèces vivant dans les fonds marins. « Il peut faire jusqu’à 150 mètre de large pour les navires-usines et peut capturer jusqu’à 60 tonnes de poissons en vingt minutes. »(1) Les répercussions négatives des chaluts sont multiples : premièrement, les chaluts raclent les fonds marins et détruisent des habitats naturels sur leur passage laissant « des cicatrices marines sur plus de 4 km de long. » à chaque prise (2). Deuxièmement le chalutage engendre des prises d’espèces multiples, incluant certaines non visées par les pêcheurs, et provoque ainsi une mort inutile de très nombreux poissons qui seront rejetés en mer morts ou blessés. En sachant qu’un poisson blessé ne survivra pas longtemps en mer. Les rejets de poissons concerne tous les poissons non conformes que ce soit par leur taille, par le fait qu’il ne soient pas consommables, qu’ils n’appartiennent à aucun marché ou qu’ils fassent parties d’espèces protégées à risque d’extinction (3). Ainsi, les pêcheurs détournent en quelque sorte les réglementations en vigueur en rejetant les poissons qui leur sont interdits de pêcher. Néanmoins leurs actes aboutissent à la même finalité. Troisièmement, le chalutage engendre parfois une mise en suspension de sédiments qui peuvent être toxiques et défavorables à la vie (4). Ainsi, après avoir décimé des kilomètres de fond marins, le chalutage empêche tout rétablissement de l’écosystème dans l’environnement en question.
Explosifs et pêche fantôme
L’usage des explosifs pour la pêche s’est accru au fil des siècles. Les répercussions sur l’environnement sont similaires à celles du chalutage. On retrouve ainsi la destruction de manière irréversible des fonds marins (cratères pouvant aller jusqu’à 20m²), ainsi que la mort d’espèces non visées par les pêcheurs. Cette pratique est fréquente pour la pêche de la sardine par exemple, car elle facilite la prise de poissons en grandes quantités, faisant remonter à la surface les bancs de sardines qui seront facilement pêchées au filet par la suite. Il arrive souvent que les pêcheurs se procurent ces explosifs de manière illégale (trafic d’arme illégal).
La pêche fantôme est le fait pour les pêcheurs d’abandonner tant de manière accidentelle qu’intentionnelle des filets (ou autre matériels) en mer. Ceux-ci engendrent une capture incessante et inutile de poissons, mollusques, ou mammifères marins.
Elevages intensif de poissons
L’élevage intensif de poissons présente de grosses impasses qui sont ici non négligeables pour les poissons en tant qu’ « individus », et les répercussions sont bien évidemment notables au niveau de la qualité du produit mis sur le marché. Les poissons sont entassés dans des bassins surpeuplés, leur santé et leur bien-être négligé. Des bagarres constantes ont lieu dans les bassins notamment pour accéder à la nourriture parfois insuffisante. Le peu d’espace dont ils disposent engendre un mal être incontestable. Leurs nageoires et queues sont facilement déchiquetées par les bords du bassin ou par frottements avec d’autres poissons. Les maladies et les parasites (poux de mer) ne se font pas rares, et le confinement des poissons est responsable de leur souffrance de stress. A ce sujet, des études ont été effectuées, et il a pu être confirmé qu’un poisson enfermé dans un endroit clos et peu spacieux est une cause pour lui d’un stress conséquent. Par ailleurs, il arrive que les normes de températures de l’eau ne soient pas respectées, ainsi que de ses composants (toxines).
2. Un pas en avant vers une pêche durable
Après une lutte sans relâche des ONG, qui ont esquissé de nombreuses défaites à ce propos, le Parlement européen a finalement décidé en ce 30 juin 2016, d’interdire le chalutage en eaux profondes au delà de 800 mètres (5). Même si cette avancée aurait pu être de plus grande envergure, une avancée est toujours positive, aussi moindre soit-elle, puisqu’il s’agit d’une reconnaissance officielle de la nécessité d’un changement. En réalité, les massacres ayant les répercussions les plus importantes sont réalisés au grand large, au sein des eaux internationales, où tout un chacun est libre d’intenter ce qu’il lui plaît, et où aucun État ne daigne endosser la responsabilité de surveiller le respect par les pêcheurs des normes de pêche requises. Le problème viendrait peut-être de là. Avoir décrété les eaux internationales comme un “bien public mondial” est une bonne chose. Par contre, dans certaines circonstances, cela mène à ce que chaque État se repose sur ce fait et se renvoie la patate chaude lorsqu’il s’agit d’endosser telle ou telle responsabilité due à un événement s’étant produit en eau internationale, et surtout lorsqu il s’agit d’intenter des actions pour les préserver. La solution semble être d’instaurer un système de surveillance des zones de pêche, accompagnée de strictes réglementations internationales s’agissant des pratiques de pêches autorisées en eaux internationales, et de sanctions fermes pour non conformité.
Cette avancée du 30 juin ne relève alors que du domaine légal, et aucune véritable incidence ne se fera sentir en pratique. Puisque si le chalutage de fond n’est plus autorisé en eaux européennes, qu’est ce qui empêchera les pêcheurs de se rendre en eaux internationales pour faire le plein de poissons? D’autant plus que les eaux européennes n’excèdent jamais de beaucoup les 800 mètres, et que donc, cela ne changera pas de beaucoup leurs habitudes de pêche. Mais après quatre années de lutte intensive au sein du Parlement Européen, cette décision ne peut être entendue que comme une petite victoire qui se doit d’être une ouverture vers de nombreuses succédentes. Peut-être pourra t-elle initier des décisions similaires dans d’autres organisations d’autorité internationale?
3. L’argument vegan : arrêter toute consommation de poissons
Il est incontestable que si tous les individus de la planète cessaient leur consommation de poisson de manière radicale et définitive, cela réglerait tous les problèmes, et l’équilibre piscicole serait progressivement restauré. Mais cela relève du domaine de l’imaginaire et du fantasme idyllique. Plusieurs éléments vont à l’encontre de cet argument, et le rendent impossible à réaliser.
Par quelle approche l’arrêt radical de consommation de poisson serait-il mis en place ? Serait-ce par une simple prise de conscience collective, ou par la promulgation de règlements internationaux intégrés aux législations nationales rendant toute pêche et consommation d’espèces marines illégales ? De ces interdictions découleraient, bien évidemment, comme tout produit rendu illégal, à des trafics. Le poisson… la nouvelle drogue? Mais toute plaisanterie à part, je ne puis imaginer que l’on puisse en arriver à un tel point. Une simple prise de conscience collective est impossible, car les avis et les mœurs divergent, et il en sera de soi pour toujours. En comparaison, l’arrêt de consommation de viande reste aujourd’hui toujours très difficile voire impossible à établir, tant les mœurs sont ancrés dans les esprits. Alors que la viande n’est pas un aliment nécessaire à l’être humain puisqu’il est possible d’avoir une alimentation suffisamment équilibrée en consommant des aliments substitutifs.
Ensuite, le marché du poisson étant aujourd’hui conséquent, l’économie serait bouleversée par l’arrêt de la pêche. Cela reste un argument de taille, car seraient touchés un grand nombre d’individus, allant grossièrement du pêcheur au poissonnier, sans évoquer toutes les personnes intermédiaires ou affiliées. Un marché de substitution serait-il envisageable ? De mon point de vue, non. Autant, pour le marché de la viande, un marché de substitution est possible comme l’ont prouvé les nouveaux bouchers vegan émergents. Quant au poisson, il reste aujourd’hui impossible à remplacer. Mais peut-être qu’avec le temps, des aliments de substitution contenant les propriétés bienfaisantes du poisson et se rapprochant du goût que les différentes espèces de poisson peuvent arborer sera un jour mis en place…
L’argument qui reste pour moi le plus important, est que l’être humain ne peut vivre sans consommer de poisson. En effet, le poisson est le seul « aliment » à contenir des omégas 3, cela avec l’huile de colza et l’huile de cameline. Contrairement à ce qu’affirment de nombreux pro végétarisme, il n’est pas possible pour le corps d’absorber suffisamment d’oméga 3 autrement qu’en consommant du poisson. A moins de boire quotidiennement sa dose d’huile sus citée à la petite cuillère (en sachant que cela engendrerait d’autres problèmes de santé), cela reste impossible. Ainsi, un individu qui cesse de consommer du poisson ne verra aucun changement au niveau de sa santé à court terme ; mais à long terme, il subira sans aucun doute un affaiblissement du cœur et sera beaucoup plus exposé aux maladies cardiovasculaires. Cette alimentation réduirait alors de manière conséquente l’espérance de vie globale de l’être humain. Pouvons-nous remplacer notre consommation de poisson par la prise de compléments alimentaires contenant de l’oméga 3 ? Cela ne changerait rien puisque ces compléments alimentaires sont en grande partie constitués d’huile de poisson.
De mon point de vue, l’argument vegan est un tant soit peu extrémiste pour pouvoir être crédible et réellement applicable. La solution serait, à mes yeux, une position intermédiaire, ni excessivement laxiste, ni trop radicale.
4. Une pêche durable par sa rationalisation
Si la pêche comme elle est pratiquée aujourd’hui est intolérable, et l’arrêt radical de consommation de poisson impensable, il se doit de trouver une solution intermédiaire.
Tout d’abord, il s’agit de réviser les techniques de pêche en marche. Les pratiques déterminées irrespectueuses de la flore et de la faune sous-marine sont à éradiquer ou à réguler. Cela par le renforcement les législations en vigueur et des sanctions pour non-conformité.
Ainsi, le chalutage de fond destructeur des fonds marins se doit d’être aboli. La pêche se doit d’être pratiquée de manière raisonnée et ciblée, et par cela j’entends sans atteindre d’autres espèces non désirées, afin que les rejets de poissons ne soit plus une option. Chaque poisson tué ne doit pas l’être inutilement, chaque prise doit se retrouver dans une assiette, et non jetée pour le bien du nombre et de la quantité pêchée.
La pêche fantôme, soit l’abandon de filets, doit être lourdement sanctionnée ; l’usage d’explosifs minutieusement scruté et lui aussi sanctionné.
D’autre part, la manière dont les poissons sont tués devrait être révisée, pour réduire au maximum le temps d’agonie et de débattement aboutissant à une mort d’épuisement.
S’agissant de l’élevage intensif, la quantité de poissons par bassin devrait être limitée, des inspections fréquentes devraient être réalisées dans les élevages quant aux normes requises de température de l’eau, de nourriture attribuée, quant à l’espace dédié aux poissons, et aux traitements contre les maladies (qui ne doivent en aucun cas aboutir à une attribution excessive d’antibiotiques aux poissons).
Ainsi, il faudrait réduire la quantité de poissons sur le marché, mais ce poisson serait pêché de manière plus éthique et respectueuse de l’environnement, ce qui en parallèle limiterait les éléments toxiques ingurgités par les poissons que nous consommons par la suite (cela concerne en grande partie l’élevage de poissons), sans toutefois les éliminer totalement je le conçois; mais cela relève d’un autre débat. Alors, les étals des commerçants ne proposeraient que du poisson de meilleure qualité, certainement de prix un peu plus élevé, mais cela pousserait le consommateur à adopter une consommation moins fréquente et raisonnée, et donc, plus rationalisée.
Conclusion
S’il est possible d’arrêter de manger de la viande sans répercussions sur l’équilibre corporel (à condition bien sûr d’être attentif à son alimentation, et en remplaçant intelligemment la viande par d’autres produits de substitution) ; nous ne pouvons par contre nous passer du poisson qui contient des éléments indispensable pour l’être humain à long terme. Ainsi, si l’arrêt de l’élevage est possible dans l’absolu (même si y arriver inclurait un changement radical dans la vie de chacun qui se rapproche de l’impensable encore aujourd’hui), l’arrêt de la pêche ne le semble pas. La solution est donc de trouver une alternative, un bon compromis par la révision des pratiques de pêche aujourd’hui en marche : une pêche durable et raisonnée.
Rédigé par Camille Büchs
NOTES
(1) Cinq choses à savoir sur la pêche au chalut en eaux profondes publié le 28/11/2013, URL: http://www.lexpress.fr/styles/saveurs/5-choses-a-savoir-sur-la-peche-au-chalut-et-le-chalutage-en-eaux-profondes_1303235.html
(2) Les techniques de pêche destructives et les rejets, URL:http://slowfood.com/slowfish/pagine/fra/pagina.lasso?-id_pg=43
(3) Id.
(4) Id.
(5) Voire article du Monde “L’Europe interdit la pêche en eaux profondes au-delà de 800 mètres”
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